quarta-feira, 24 de novembro de 2004
Cy Twombly
(des)aprender a desenhar (9)
Cy Twombly, Sans titre, 2001, acrílico, pastel e grafite s/ papel, 124x89 cm
Twombly, contrairement au parti de tant de peintres actuels, montre le geste. Il n'est pas demandé de voir, de penser, de savourer le produit, mais de revoir, d'identifier et, si l'on peut dire, de «jouir» le mouvement qui en est venu là. Or, aussi longtemps que l'humanité a pratiqué l'écriture manuelle, à l'exclusion de l'imprimée, le trajet de la main, et non la perception visuelle de son oeuvre, a été l'acte fondamental par lequel les lettres se définissaient, s'étudiaient, se classaient: cet acte réglé, c'est ce qu'on appelle en paléographie le ductus: la main conduit le trait (de haut en bas, de gauche à droite, en tournant, en appuyant, en s'interrompant, etc.); bien entendu, c'est dans l'écriture idéographique que le ductus a le plus d'importance: rigoureusement codé, il permet de classer les caractères selon le nonbre et la direction des coups de pinceau, il fonde la possibilité même du dictionnaire, pour une écriture sans alphabet. Dans l'oeuvre de Twombly règne le ductus: non sa règle, mais ses jeux, ses fantaisies, ses explorations, ses paresses. C'est en somme une écriture dont il ne resterait que le penchement, la cursivité; dans le graphisme antique, la cursive est née du besoin (économique) d'écrire vite: lever la plume coûte cher. Ici, c'est tout le contraire: cela tombe, cela pleut finement, cela se couche comme des herbes, cela rature par désoeuvrement, comme s'il s'agissait de rendre visible le temps, le tremblement du temps.
Roland Barthes in Cy Twombly ou «Non multa sed multum».
Cy Twombly, Sans titre, 2001, acrílico, pastel e grafite s/ papel, 124x95 cm