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terça-feira, 8 de março de 2005

 
A Bao A Qou


Hannah Collins, In the Course of Time II, 1994.


Pour contempler le paysage le plus merveilleux du monde, il faut arriver au dernier étage de la Tour de la Victoire, à Chitor. Il y a là une terrasse circulaire qui permet de dominer tout l'horizon. Un escalier en colimaçon mène à la terrasse, mais seuls osent monter ceux qui ne croient pas à la fable, qui dit:
Dans l'escalier de la Tour de la Victoire, habite depuis le début du temps l'A Bao A Qou, sensible aux valeurs des âmes humaines. Il vit en état léthargique, sur la première marche, et jouit d'une vie consciente seulement quand quelqu'un monte l'escalier. La vibration de la personne qui s'approche lui infuse vie, et une lumière intérieure s'insinue en lui. En même temps, son corps et sa peau presque translucide commencent à se mouvoir. Quand quelqu'un monte l'escalier, l'A Bao A Qou se place presque sous les talons du visiteur et monte, en saisissant le bord des marches courbes et usées par les pieds des générations de pèlerins. A chaque marche sa couleur s'intensifie, sa forme se perfectionne et la lumière qu'il irradie est chaque fois plus brillante. La preuve de sa sensibilité réside dans le fait qu'il arrive à obtenir sa forme parfaite seulement à la dernière marche, quand celui qui monte est un être spirituellement évolué. Autrement, l'A Bao A Qou reste comme paralysé avant d'y arriver, son corps incomplet, sa couleur indéfinie et sa lumière vacillante. L'A Bao A Qou souffre quand il ne peut pas se former entièrement et sa plainte est une rumeur à peine perceptible, semblable au frôlement de la soie. Mais quand l'homme ou la femme qui le font revivre sont pleins de pureté, l'A Bao A Qou peut arriver à la dernière marche, complètement formé et scintiller d'une vive lumière bleue. Son retour à la vie est très bref, car, le pèlerin redescendant, l'A Bao A Qou roule et tombe jusqu'à la marche initiale, où, déjà éteint et semblable à une gravure aux vagues contours, il attend le prochain visiteur. Il est seulement possible de le bien voir quand il arrive à la moitié de l'escalier, où les prolongements de son corps, qui tels de petits bras l'aident à monter, se définissent avec clarté. Certains disent qu'il regarde avec tout son corps et qu'au coucher il rappelle la peau de la pêche.
Au cours des siècles, l'A Bao A Qou est arrivé une seule fois à la perfection.
Le capitaine Burton rapporte la légende de l'A Bao A Qou dans une des notes de sa version des Mille et Une Nuits.

J.L. Borges e Margarita Guerrero in Le Livre des Êtres Imaginaires, 1978.



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