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quinta-feira, 10 de março de 2005

 
Le Basilic


Willem De Kooning, The visit, 1966-7.


Au cours des âges, le Basilic évolua vers la laideur et l'horreur; maintenant on l'oublie. Son nom signifie petit roi; pour Pline l'Ancien (VIII, 33), le Basilic était un serpent qui sur la tête avait une tache claire en forme de couronne. À partir du Moyen Âge, c'est un coq quadrupède et couronné, de plumage jaune, avec de grandes ailes épineuses et une queue de serpent qui peut finir en crochet ou en une autre tête de coq. Le changement d'aspect se reflète dans un changement de nom; Chaucer, au XIV siècle, parle du basilicock. Une des gravures qui illustrent l'Histoire naturelle des serpents et dragons d'Aldrovandi lui attribue des écailles, non des plumes, et la possession de huit pattes.
Ce qui ne change pas est la vertu meurtrière de son regard. Les yeux des Gorgones pétrifiaient; Lucain rapporte que du sang de l'une d'elles, Méduse, sont nés tous les serpents de Lybye: l'Aspic, l'Amphisbène, l'Hammodyte, le Basilic. Le passage est dans le livre IX de la Pharsale; Jáuregui le traduit ainsi en espagnol:

El vuelo a Libia dirigio Perseo,
Donde jamas verdor se engendra o vive;
Instila allí su sangre el rosto feo,
Y en funestas arenas muerte escribe;
Presto el llovido humor logra su empleo
En el cálido seno, pues concibe
Todas sierpes, y adúltera se extraña
De ponzoñas preñada la campaña...
La sangre de Medusa, pues en este
Sitio produjo el basilisco armado
En lengua y ojos de insanable peste,
Aun de las sierpes mismas recelado
Allí se jacta de tirano agreste,
Lejos hiere en ofensas duplicado,
Pues con el silbo y el mirar temido
Lleva muerte a la vista y al oido.

Le basilic réside au désert; ou plutôt, il crée le desert. à ses pieds les oiseaux tombent morts et les fruits pourrissent; l'eau des fleuves où il s'abreuve reste empoisonnée durant des siècles. Pline a certifié que son regard brise les pierres et brûle l'herbe. L'odeur de la belette le tue; au Moyen âge, on a dit que c'était le chant du coq. Les voyageurs expérimentés se pourvoyaient en coqs pour traverser des contrées inconnues. Une autre arme était un miroir; le basilic est foudroyé par sa propre image.
Les encyclopédistes chrétiens refusèrent les fables mythologiques de la Pharsale et prétendirent à une explication rationnelle de l'origine du basilic. (Ils étaient obligés de croire en lui, car la Vulgate traduit par basilic le vocable hébreu Tsépha, nom d'un reptile vénéneux.) On admit généralement l'hypothèse d'un oeuf contrfait et difforme, pondu par un coq et couvé par un serpent ou un crapaud. Au XVII siècle, sir Thomas Browne la déclara aussi monstrueuse que la génération du Basilic. C'est vers ce temps-là que Quevedo écrivit sa romance Le Basilic, où on lit:

Si celui qui vit est vivant,
Toute ton histoire est mensonge,
Car s'il n'est pas mort, il t'ignore,
Et s'il est mort il ne l'affirme pas.

J.L. Borges e Margarita Guerrero in Le Livre des Êtres Imaginaires, 1978.



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