domingo, 10 de abril de 2005
Le double
Foto de Andi Lonita
Suggéré ou stimulé par les miroirs, les plans d'eau et les frères jumeaux, le concept du Double est commun à nombreux pays. On peut supposer que des devises comme "Un ami est un autre moi-même" de Pythagore ou le "Connais-toi toi-même" platonicien s'en sont inspirées. En Allemagne on l'appela le Doppelgaenger; en Écosse, le Fetch car il vient chercher (fetch) les hommes pour les mener à la mort. Se retrouver face à soi-même est donc funeste; la tragique ballade Ticonderoga de Robert Louis Stevenson rapporte une légende sur ce sujet. Souvenons-nous aussi de cet étrange tableau de Rossetti, How they met themselves, où deux amants se retrouvent face à eux-mêmes dans le crépuscule d'un bois. On pourrait prendre des exemples analogues dans l'oeuvre d'Hawthorne, de Dostoïevski et d'Alfred de Musset.
Pour les juifs, au contraire, l'apparition du Double n'était pas le présage d'une mort prochaine. C'était la certitude d'avoir atteint l'état prophétique. C'est ce qu'explique Gershom Scholem. Une tradition recueillie par le Talmud raconte le cas d'un homme en quête de Dieu qui se retrouva devant lui-même.
Dans le récit d'Edgar Poe, William Wilson, le Double est la conscience du héros. Celui-ci le tue et meurt. Dans la poésie de Yeats, le Double est notre envers, notre contraire, notre complément, celui que nous ne sommes pas et ne serons jamais.
Plutarque a écrit que les Grecs donnèrent le nom d'"autre moi-même" au représentant d'un roi.
J.L. Borges e Margarita Guerrero in Le Livre des Êtres Imaginaires, 1978.
Foto de Andi Lonita
Suggéré ou stimulé par les miroirs, les plans d'eau et les frères jumeaux, le concept du Double est commun à nombreux pays. On peut supposer que des devises comme "Un ami est un autre moi-même" de Pythagore ou le "Connais-toi toi-même" platonicien s'en sont inspirées. En Allemagne on l'appela le Doppelgaenger; en Écosse, le Fetch car il vient chercher (fetch) les hommes pour les mener à la mort. Se retrouver face à soi-même est donc funeste; la tragique ballade Ticonderoga de Robert Louis Stevenson rapporte une légende sur ce sujet. Souvenons-nous aussi de cet étrange tableau de Rossetti, How they met themselves, où deux amants se retrouvent face à eux-mêmes dans le crépuscule d'un bois. On pourrait prendre des exemples analogues dans l'oeuvre d'Hawthorne, de Dostoïevski et d'Alfred de Musset.
Pour les juifs, au contraire, l'apparition du Double n'était pas le présage d'une mort prochaine. C'était la certitude d'avoir atteint l'état prophétique. C'est ce qu'explique Gershom Scholem. Une tradition recueillie par le Talmud raconte le cas d'un homme en quête de Dieu qui se retrouva devant lui-même.
Dans le récit d'Edgar Poe, William Wilson, le Double est la conscience du héros. Celui-ci le tue et meurt. Dans la poésie de Yeats, le Double est notre envers, notre contraire, notre complément, celui que nous ne sommes pas et ne serons jamais.
Plutarque a écrit que les Grecs donnèrent le nom d'"autre moi-même" au représentant d'un roi.
J.L. Borges e Margarita Guerrero in Le Livre des Êtres Imaginaires, 1978.