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quinta-feira, 7 de julho de 2005

 
L'Oiseau Phénix


Foto de Eric Kellerman


Dans les effigies monumentales, les pyramides de pierre et les momies, les Égyptiens cherchèrent l'éternité; il est logique de penser qu'en leur pays ait surgi le mythe d'un oiseau immortel et périodique, bien que l'élaboration ultérieure soit l'oeuvre des Grecs et des Romains. Erman écrit qu'en la mythologie d'Héliopolis, le Phénix (bénou) est le seigneur des jubilés, ou des longs cycles du temps; Hérodote, dans un passage célèbre (II, 73), rapporte avec une incrédulité insistante une première forme de la légende:

Un autre oiseau sacré se trouve là, que j'ai vu seulement en peinture, dont le nom est celui de Phénix. Elles sont rares, en effet, les fois où il se laisse voir, et tellement espacées, que d'après ceux d'Héliopolis, il vient seulement en Égypte tous les cinq cents ans, c'est-à-dire quand meurt son père. Si la taille et la forme sont telles qu'on les décrit, sa masse et son aspect sont très semblables à ceux de l'aigle, et ses plumes, en partie dorées, en partie couleur cramoisie. Les prodiges que de lui on raconte sont tels que, si peu dignes de foi qu'ils me paraissent, je n'omettrai pourtant pas de les rapporter. Pour transférer le cadavre de son père depuis l'Arabie jusqu'au temple du Soleil, il utilise la manoeuvre suivante: d'abord il fabrique un solide oeuf de myrrhe, aussi grand que ses forces lui permettent de le porter, essayant son poids une fois fabriqué, pour voir s'il est compatible avec elles; puis il commence à le vider jusqu'à ouvrir un creux où il puisse enfermer le cadavre de son père, qu'il ajuste avec une autre portion de myrrhe et il en remplit la concavité, jusqu'à ce que le poids de l'oeuf engrossé du cadavre égale le poids qu'il avait, solide; il ferme après l'ouverture, il charge son oeuf, et l'amène au temple du Soleil en Égypte. Voici, quoi qu'il en soit, ce que de cet oiseau on raconte.

Quelque cinq cents ans plus tard, Tacite et Pline reprirent la prodigieuse histoire; le premier justement observa que toute antiquité est obscure, mais qu'une tradition a fixé le délai de la vie du Phénix à mille quatre cent soixante et un ans (Annales, VI, 28). Le second aussi examina la chronologie du Phénix; il enregistra (X, 2) que, d'après Manilius, il vit une année platonique, ou grande année. L'année platonique est le temps dont ont besoin le Soleil, la Lune et les cinq planètes pour revenir à leur position initiale; Tacite, dans le Dialogue des orateurs, lui fait avoir douze mille neuf cent quatre-vingt-quatorze années simples. Les anciens ont cru que, accompli cet énorme cycle astronomique, l'histoire universelle se répéterait dans tous ses détails, à cause de la répétition des influences des planètes; le Phénix deviendrait un miroir ou une image de l'univers. En poussant plus loin l'analogie, les stoïciens enseignèrent que l'univers meurt dans le feu et renaît du feu et que le processus n'aura pas de fin et n'a pas eu de commencement.
Les années ont simplifié le mécanisme de la génération du Phénix. Hérodote mentionne un oeuf, et Pline, un ver, mais Claudien, à la fin du IV siècle, met en vers déjà un oiseau immortel qui resurgit de sa cendre, un héritier de soi-même et un témoin des âges.
Il doit y avoir peu de mythes aussi répandus que celui du Phénix. Aux auteurs déjà énumérés il faut ajouter: Ovide (Métamorphoses, XV), Dante (Enfer, XXIV), Shakespeare (Henri VIII, V, 4), Pellicer (Le Phénix et son histoire naturelle), Quevedo (Parnasse espagnol, XI), Milton (Samson Agonistes, in fine).
Nous ferons également mention du poème latin De Ave Phoenice, qui a été attribué à Lactance, et d'une imitation anglo-saxonne de ce poème, du VIII siècle. Tertullien, Saint-Ambroise et Cyrille de Jérusalem ont allégué le Phénix comme preuve de la résurrection de la chair. Pline se moque des thérapeutes qui prescrivent des remèdes extraits du nid et des cendres du Phénix.

J.L. Borges e Margarita Guerrero in Le Livre des Êtres Imaginaires, 1978.



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