sábado, 23 de julho de 2005
Rémora
Rémora, en latin, signifie retard. Tel est le sens propre de ce mot, qui, s'est appliqué à l'échénéide, car on lui attribue la faculté d'arrêter les bateaux. Le processus s'est inversé en espagnol; rémora, au sens propre, est le poisson, et, au sens figuré, l'obstacle. Le Rémora est un poisson de couleur cendrée; sur la tête et la nuque il a une plaque ovale, dont les lamelles cartilagineuses lui servent à adhérer, par le moyen du vide, aux autres corps sous-marins.
Pline énumère ses pouvoirs:
Il y a un poisson appelé Rémora, très habitué à aller entre les pierres, et qui, se collant aux carènes, fait que les nefs bougent avec retard, et de cela il tire son nom, et à cause de cela il est aussi une infâme sorcellerie, et pour arrêter et obscurcir les jugements et procès. Mais il modère ces maux avec un bien, car il retient dans le ventre les créatures jusqu'à l'accouchement. Il n'est pas bon et il ne sert pas pour des mets. Aristote entend que ce poisson a des pieds, car la multitude d'écailles sont mises de telle sorte qu'on le dirait... Trébius Niger dit que ce poisson est de la longueur d'un pied et de la grosseur de cinq doigts et qu'il arrête les bateaux, et, en plus de cela, qu'en le mettant à conserver dans du sel, il a la vertu que l'or tombé dans des puits profonds sort collé à lui. (IX, 41: version de Gueronimo Gomez de Huerta, 1604).
Il est curieux de noter comment de l'idée d'arrêter les bateaux on passa à celle d'arrêter les procès et à celle d'arrêter les créatures.
Dans un autre endroit, Pline rapporte qu'un Rémora décida du sort de l'Empire romain, arrêtant à la bataille d'Actium la galère où Marc Antoine passait en revue son escadre, et qu'un autre Rémora arrêta le bateau de Caligula, malgré l'effort des quatre cents rameurs. Les vents soufflent et les tempêtes se mettent en colère — s'exclame Pline — mais le Rémora retient leur fureur et ordonne que les bateaux s'arrêtent dans leur course, et obtient ce que n'obtiendraient pas les ancres les plus lourdes et les câbles.
"La force la plus grande ne triomphe pas toujours. La course d'un bateau est arrêtée par un petit rémora", répète Diego de Saavedra Fajardo.
J.L. Borges e Margarita Guerrero in Le Livre des Êtres Imaginaires, 1978.
Rémora, en latin, signifie retard. Tel est le sens propre de ce mot, qui, s'est appliqué à l'échénéide, car on lui attribue la faculté d'arrêter les bateaux. Le processus s'est inversé en espagnol; rémora, au sens propre, est le poisson, et, au sens figuré, l'obstacle. Le Rémora est un poisson de couleur cendrée; sur la tête et la nuque il a une plaque ovale, dont les lamelles cartilagineuses lui servent à adhérer, par le moyen du vide, aux autres corps sous-marins.
Pline énumère ses pouvoirs:
Il y a un poisson appelé Rémora, très habitué à aller entre les pierres, et qui, se collant aux carènes, fait que les nefs bougent avec retard, et de cela il tire son nom, et à cause de cela il est aussi une infâme sorcellerie, et pour arrêter et obscurcir les jugements et procès. Mais il modère ces maux avec un bien, car il retient dans le ventre les créatures jusqu'à l'accouchement. Il n'est pas bon et il ne sert pas pour des mets. Aristote entend que ce poisson a des pieds, car la multitude d'écailles sont mises de telle sorte qu'on le dirait... Trébius Niger dit que ce poisson est de la longueur d'un pied et de la grosseur de cinq doigts et qu'il arrête les bateaux, et, en plus de cela, qu'en le mettant à conserver dans du sel, il a la vertu que l'or tombé dans des puits profonds sort collé à lui. (IX, 41: version de Gueronimo Gomez de Huerta, 1604).
Il est curieux de noter comment de l'idée d'arrêter les bateaux on passa à celle d'arrêter les procès et à celle d'arrêter les créatures.
Dans un autre endroit, Pline rapporte qu'un Rémora décida du sort de l'Empire romain, arrêtant à la bataille d'Actium la galère où Marc Antoine passait en revue son escadre, et qu'un autre Rémora arrêta le bateau de Caligula, malgré l'effort des quatre cents rameurs. Les vents soufflent et les tempêtes se mettent en colère — s'exclame Pline — mais le Rémora retient leur fureur et ordonne que les bateaux s'arrêtent dans leur course, et obtient ce que n'obtiendraient pas les ancres les plus lourdes et les câbles.
"La force la plus grande ne triomphe pas toujours. La course d'un bateau est arrêtée par un petit rémora", répète Diego de Saavedra Fajardo.
J.L. Borges e Margarita Guerrero in Le Livre des Êtres Imaginaires, 1978.