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domingo, 25 de setembro de 2005

 
Coisas esquecidas

L'esprit a transformé le monde et le monde le lui rend bien. Il a mené l'homme où il ne savait point aller. Il nous a donné le goût et les moyens de vivre, il nous a conféré un pouvoir d'action qui dépasse énormément les forces d'adaptation, et même la capacité de compréhension des individus; il nous a inspiré des désirs et obtenu des résultats qui excèdent de beaucoup ce qui est utile à la vie. Par là, nous nous sommes de plus en plus éloignés des conditions primitives de toute vie, entraînés que nous sommes, avec une rapidité qui s'accélère jusqu'à devenir inquiétante, dans un état de choses dont la complexité, l'instabilité, le désordre caractéristique nous égarent, nous interdisent la moindre prévision, nous ôtent toute possibilité de raisonner sur l'avenir, de préciser les enseignements qu'on avait jadis coutume de demander au passé, et absorbent dans leur emportement et leur fluctuation tout effort de fixation et de construction, qu'elle soit intellectuelle ou sociale, comme un sable mouvant absorbe les forces de l'animal qui s'aventure sur lui.
Tout ceci réagit nécessairement sur l'esprit même. Un monde transformé par l'esprit n'offre plus à l'esprit les mêmes perspectives et les mêmes directions que jadis; il lui impose des problèmes entièrement nouveaux, des énigmes innombrables.
Le spectacle du monde humain, tel qu'on l'observait autrefois, et tel que l'Histoire le représentait, tenait de la comédie et de la tragédie; on y trouvait assez facilement, de siècle en siècle, des situations analogues, des personnages comparables, des périodes bien tranchées, des politiques longuement suivies; des événements nettement définis, à conséquences bien formées. En ce temps-là, les administrations pouvaient vivre de "précédents".
Mais que ce spectacle classique se transforme étrangement! A la comédie et à la tragédie humaines, l'élément féerique s'est combiné. Sur le théâtre du monde actuel, semblable au Châtelet, tout se passe en changements à vue. Ce ne sont qu'apparitions, transformations et surprises, surprises pas toute agréables, et il arrive que l'auteur lui-même de tout cela, l'homme — du moins, l'homme à qui demeure le loisir et la triste habitude de la réflexion — s'étonne de pouvoir vivre dans cette atmosphère actuelle d'enchantements, transformations, où les contradictions se réalisent, où les renversements et les catastrophes se disputent la scène, se substituent comme par magie; où les inventions naissent, mûrissent et modifient en quelques années les moeurs et les esprits. Et cet homme qui pense (qui pense encore), ressent parfois une sorte de lassitude extraordinaire. Il lui semble que la découverte la plus étonnante ne l'étonnerait plus.

Paul Valéry in Regards sur le monde actuel, 1927.



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