domingo, 24 de agosto de 2008
TOUT SE MARIE
Foto de Katarzyna Widmanska
Au mal :
Le soir et les tenailles de la solitude
Le soir où tout est dit
Où rien n’est une route
Sous le froid sous la pâleur
Du temps semblable à une morte
Ici l’on joue la tragédie des résignés
Le jeu d’échecs des faux-vivants
Un bloc d’oubli a comblé mes mains vides
Je ne sais plus avoir un corps
Je ne sais plus avoir un visage parfait
J’oublie la vie je suis atrocement à nu
Je suis à nu comme un schéma comme une épure
Sous la nuit crue d’une peine obstruée
Sous la chape nacrée des larmes dérisoires
Non pas soumis mais épuisé
Je suis un homme sans saisons un homme absent
Réduit à rien un projet d’homme au cimetière
Et je regrette la douleur car elle était fidèle
Mouvante et belle elle faisait craquer mon front
Toujours geler brûler le même cœur mortel
Tout était là d’avance et l’amour et la mort
Dans ce monde ancien où dit-on j’ai vécu
Il fallait qu’un cœur d’or lutte et saigne pour vivre
L’automne avait une raison.
Au bien :
Le soir et les tenailles de la solitude
Où j’ai envie de tout avouer
Où je rougis d’être en automne
Quand je me sens au mois de mai
Ce soir
Sous la fraîcheur sous la chaleur sous la couleur
Du temps vivant comme une amphore
Sous la mobilité
Des mois de novembre et de mai
Je prends des poses
Je fais semblant d’être soucieux de mon passé
Un nostalgique
Voyez je joue la comédie
Je donne à sourire et à rire
Du culte de la mélancolie
Pourtant je sais vraiment pleurer
Comme un enfant déçu comme un homme invincible
Ils sont égaux quand trop d’injustice les couvre
Eux que le feu rend ingénus
Eux que l’espoir charge de feuilles innombrables
J’aime à dire oui je sais être d’accord
Avec la mer et la forêt rien qu’avec mes dix doigts
Avec mes yeux et mes oreilles
Car tel est mon désir car tel est mon plaisir
Je suis venu à la lumière d’un pas léger
Je ne suis pas né solitaire
Ma nudité avait des sœurs
Et comme l’eau troublée du soir
J’enfante des nuées d’éphémères
Je suis la nuée du brasier
L’aube s’éveille et je m’éveille
Et la promesse d’être heureux
Suit mon serment d’être immortel
Je suis moi-même et le visage humain
A tant d’aspects sous le soleil
Que je pourrais en être rassasié
La sève monte et la terre s’accroît
Et moi je gagne le plus dur combat
Tout se marie et la mer et la terre
Et la lumière et les hommes visibles
Et l’avenir à l’instant et sans bornes
Toutes les formes de la vie
Ont réglé mon comportement
Je me dénoue je me délie
Mes rêves sont au monde
Clairs et perpétuels
Et je suis sage dans les yeux
De chaque enfant et de sa mère
Et le froment de mon amour
Donne sagesse à tous les hommes
Il n’est cœur qui veuille souffrir
Cœur qui ne soit bon cœur et fort
Comme un épi mûr et fertile
Pour nous montre notre lumière
Les graines suivent le sillon
De mon amour loin dans le temps
Dans le passé rien que des ombres
Dans l’avenir pas d’ennemis
Rien que l’espoir et la confiance
Le même bien la même force.
Paul Eluard in Une leçon de morale.
Foto de Katarzyna Widmanska
Au mal :
Le soir et les tenailles de la solitude
Le soir où tout est dit
Où rien n’est une route
Sous le froid sous la pâleur
Du temps semblable à une morte
Ici l’on joue la tragédie des résignés
Le jeu d’échecs des faux-vivants
Un bloc d’oubli a comblé mes mains vides
Je ne sais plus avoir un corps
Je ne sais plus avoir un visage parfait
J’oublie la vie je suis atrocement à nu
Je suis à nu comme un schéma comme une épure
Sous la nuit crue d’une peine obstruée
Sous la chape nacrée des larmes dérisoires
Non pas soumis mais épuisé
Je suis un homme sans saisons un homme absent
Réduit à rien un projet d’homme au cimetière
Et je regrette la douleur car elle était fidèle
Mouvante et belle elle faisait craquer mon front
Toujours geler brûler le même cœur mortel
Tout était là d’avance et l’amour et la mort
Dans ce monde ancien où dit-on j’ai vécu
Il fallait qu’un cœur d’or lutte et saigne pour vivre
L’automne avait une raison.
Au bien :
Le soir et les tenailles de la solitude
Où j’ai envie de tout avouer
Où je rougis d’être en automne
Quand je me sens au mois de mai
Ce soir
Sous la fraîcheur sous la chaleur sous la couleur
Du temps vivant comme une amphore
Sous la mobilité
Des mois de novembre et de mai
Je prends des poses
Je fais semblant d’être soucieux de mon passé
Un nostalgique
Voyez je joue la comédie
Je donne à sourire et à rire
Du culte de la mélancolie
Pourtant je sais vraiment pleurer
Comme un enfant déçu comme un homme invincible
Ils sont égaux quand trop d’injustice les couvre
Eux que le feu rend ingénus
Eux que l’espoir charge de feuilles innombrables
J’aime à dire oui je sais être d’accord
Avec la mer et la forêt rien qu’avec mes dix doigts
Avec mes yeux et mes oreilles
Car tel est mon désir car tel est mon plaisir
Je suis venu à la lumière d’un pas léger
Je ne suis pas né solitaire
Ma nudité avait des sœurs
Et comme l’eau troublée du soir
J’enfante des nuées d’éphémères
Je suis la nuée du brasier
L’aube s’éveille et je m’éveille
Et la promesse d’être heureux
Suit mon serment d’être immortel
Je suis moi-même et le visage humain
A tant d’aspects sous le soleil
Que je pourrais en être rassasié
La sève monte et la terre s’accroît
Et moi je gagne le plus dur combat
Tout se marie et la mer et la terre
Et la lumière et les hommes visibles
Et l’avenir à l’instant et sans bornes
Toutes les formes de la vie
Ont réglé mon comportement
Je me dénoue je me délie
Mes rêves sont au monde
Clairs et perpétuels
Et je suis sage dans les yeux
De chaque enfant et de sa mère
Et le froment de mon amour
Donne sagesse à tous les hommes
Il n’est cœur qui veuille souffrir
Cœur qui ne soit bon cœur et fort
Comme un épi mûr et fertile
Pour nous montre notre lumière
Les graines suivent le sillon
De mon amour loin dans le temps
Dans le passé rien que des ombres
Dans l’avenir pas d’ennemis
Rien que l’espoir et la confiance
Le même bien la même force.
Paul Eluard in Une leçon de morale.