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sexta-feira, 5 de março de 2010

 
Au Commencement (I)



Écoutons la parole des prophètes Isaïe et Jérémie — en ces temps, les VII et VI siècles avant Jésus-Christ, où le peuple élu connaissait la déroute, était malmené par les grandes puissances du Croissant fertile, l'Égypte et la Mésopotamie, où Dieu semblait être un dieu vengeur, terrible, exterminateur, arbitraire et d'une inexplicable cruauté. Les plaintes, les accusations de Job à l'encontre du divin résonnèrent alors dans les trois religions issues d'Abraham.
On rencontre ces mêmes accusations chez les soufis et plus particulièrement chez Sanaï au XI siècle, chez Attar au XII siècle ou encore chez Rumi au XIII siècle.
Puis il y eut Jésus sur la croix qui s'écria: "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'a-tu abandonné?" Et cela continua jusqu'à la guerre de Trente Ans.

Cet abandon de Dieu, nous le croisons à travers les siècles, dans différentes cultures. Ainsi chez Andreas Gryphius (mort en 1664) qui nous enseigne: "Je pleure jour et nuit, je me languis de mille maux, désormais, nous sommes en entier, oui plus qu'entièrement anéantis".


Dès le début des temps, conscients de l'imperfection du monde, les prophètes exhortèrent à la négation de l'être.

Le "Je souhaiterais ne jamais être né" traverse les siècles et les civilisations, d'Hésiode à Hérodote, Euripide, Socrate, Sénèque... jusqu'à Jésus
qui, à propos de Judas, s'écria: "Il aurait mieux valu pour lui qu'il ne soit pas né."
Il en est de même d'Omar Khayyâm, au XI siècle, selon lequel, "(...) si les êtres à naïtre savaient toutes les souffrances que nous endurons, ils ne viendraient pas à notre rencontre".
Et d'Ibn Abi Dounia, mort en 894, qui recense prophètes et saints qui refusaient d'être, mais qui, une fois sur Terre, aspiraient à n'être que pâturage pour les chameaux.

Heinrich Heine enfim qui, grabataire à Paris, retrouve le chemin de Dieu afin de mieux le maudire.



Anselm Kiefer
in Au Commencement, Paris, 11 Mai 2009.




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